Jeudi 30 septembre, Léo Marillier, violon, et Clément Lefebvre, piano, étaient réunis pour la première fois en duo à La Fondation des Etats-Unis. Un concert de haute volée où Debussy tutoyait Messiaen, Franck et le compositeur Benoît Menut.
Le festival Inventio ne se contente pas de parcourir la Seine-et-Marne au gré des sites atypiques, il fait parfois escale à Paris. La Fondation des Etats-Unis, l’une des 45 maisons de la Cité universitaire, abritait ce concert. Plus exactement son Grand Salon, orné des précieuses fresques de Robert La Montagne Saint-Hubert, classées monument historique. Le violoniste Léo Marillier, directeur artistique du festival et lui-même ancien résident de la Fondation, a établi le programme de la soirée en hommage à cette oeuvre réalisée en 1930 intitulée Les Quatre Âges de l’Art Français. Quatre fresques correspondant à la période mystique, romane, classique et Renaissance, mises en regard avec quatre compositeurs : Claude Debussy, Olivier Messiaen, Benoît Menut et César Franck.
L’auditeur a pu trouver ce soir deux guides inspirés autour d’impressionnantes œuvres de maturité ou de partitions plus modestes.
Léo Marillier, musicien, mais aussi compositeur et transcripteur, excelle dans tous les domaines qu’il explore. Son association avec le pianiste Clément Lefebvre produit un duo remarquable. Tout d’abord avec la touchante Sonate pour violon et piano d’un Debussy malade, dont la sève tragique irrigue l’œuvre de bout en bout malgré l’apparence fantasque de l’Intermède central. Les deux musiciens cultivent le jeu des contrastes avec brio.

Clément Lefebvre, lauréat du Concours Long-Thibaud-Crespin 2019, élève de Roger Muraro et Isabelle Dubuis, auteur d’un disque passionnant aux côtés du violoniste Schuichi Okada, s’illustre ensuite avec un extrait de Petites esquisses d’oiseaux pour piano seul de Messiaen, offrant une parenthèse hors du temps au gré d’une ligne mélodique haute en couleurs.
Comment ne pas être grisé ensuite par l’élégiaque Syrinx de Debussy, ici transcrite pour violon seul par Léo Marillier, mais initialement composée pour flûte traversière. Difficile de résister au charme de cette partition qui conserve, malgré sa nouvelle apparence, le caractère d’une exaltante liberté.
Clin d’œil aux pièces pour clavier de l’époque baroque, Les Nombres, de Benoît Menut, constitue, selon les mots du compositeur, un hommage aux Cinq pièces pour piano op. 23 de Schoenberg et Les Timbres de François Couperin. Si l’oeuvre évolue dans le sillon tracé par Schoenberg, le jeu habile opéré avec les intervalles (des changements d’écarts entre les notes de Couperin) génère une pièce étonnante qui porte un nouvel éclairage sur ces partitions. Un opus joué sous l’œil attentif du (prolixe) compositeur, présent dans la salle.
Enfin, la monumentale Sonate pour violon et piano de César Franck vient couronner le programme. Le matériau musical qui apparaît dans l’Allegro est repris de manière cyclique dans l’ensemble de la sonate, ce qui en fait sa singularité. Dédiée à Eugène Ysaÿe, la partition est livrée sans épanchement inutile, exécutée dans un seul souffle. A travers une lecture fascinante, le duo met en scène ce maelstrom de façon convaincante tout en conservant l’équilibre instrumental adéquat.
En bis, la deuxième Leçon de solfège de Messiaen prolongeait la ferveur chambriste !