Frank Peter Zimmermann
Frank Peter Zimmermann © Irène Zandel

Noblement et simplement : le concerto d’Elgar par Frank Peter Zimmermann

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Dès la première phrase de son concerto, Edward Elgar indique que le soliste doit jouer « nobilmente » (noblement), et cette indication autant que celle de « semplice » (simplement) reviennent tout au long de l’œuvre. C’est en mettant l’accent sur ces qualités de noblesse et de simplicité que Frank Peter Zimmermann a interprété ce concerto le 12 mai avec l’Orchestre philharmonique de Monte-Carlo, sous la direction de Cornelius Meister.

Le caractère introspectif du Concerto pour violon en si mineur, op. 61 le distingue d’autres chevaux de bataille pour le violon comme les concertos de Tchaïkovski, Bruch ou Sibelius ; or, c’est précisément ce qui représente un des plus grands défis de ce concerto pour le soliste, car jouer noblement et simplement ne veut pas dire jouer sans passion.

Frank Peter Zimmermann est l’un des grands solistes d’aujourd’hui, mais c’est aussi l’un des moins extroverti. Sa présence sur scène est humble et peu théâtrale ; la moitié du temps il est tourné vers l’orchestre pour entretenir un dialogue musical avec ses collègues.

Ses qualités expressives ressortent le mieux dans les moments intimes du concerto. Dans le deuxième thème du premier mouvement — appelé « Windflower » en hommage à Alice Stuart-Wortley, une amie du compositeur — Zimmermann a usé de portamenti remarquablement lents (glissements entre intervalles larges), ce qui a fait ressortir l’émotion de ces phrases. En revanche dans les passages en accelerando, montant dans un registre très aigu, il jouait avec brio et précision. Le troisième mouvement se termine par une longue cadence accompagnée dans laquelle des souvenirs successifs de thèmes des mouvements précédents sont évoqués, comme dans le finale de la Neuvième Symphonie de Beethoven. Par sa nature fragmentaire, cette partie du concerto est difficile à interpréter, mais Zimmermann a su lui donner une logique qui a conquis le public. Comme bis, il a joué la Sarabande de la Partita pour violon solo N° 1 en si mineur, BWV 1002 de Jean-Sébastien Bach, un excellent choix pour compléter Elgar, car cette sarabande partage plusieurs caractéristiques avec le concerto d’Elgar : la même tonalité, la même ambiance, et une abondance de jeu en doubles et triples cordes.

Cornelius Meister, portrait
Cornelius Meister © Marco Borggreve

La deuxième partie du programme était constituée de la Symphonie n°6 en ré majeur, op. 60 d’Antonín Dvořák. L’interprétation de Cornelius Meister semblait parfois un peu trop maîtrisée pour une œuvre aussi fougueuse ; même le scherzo « furiant » manquait d’accents incisifs qui auraient donné plus d’énergie aux rythmes déplacés. Il a fallu attendre la coda du quatrième mouvement pour voir le maestro encourager l’orchestre à jouer avec plus d’abandon. Le public a chaleureusement applaudi les solistes des instruments à vent, notamment l’excellent cor solo Andrea Cesari qui s’est distingué par sa sensibilité et sa puissance tout au long de la symphonie.

Jacqueline Letzter et Robert Adelson, historienne de la littérature et musicologue, sont les auteurs de nombreux livres, dont Ecrire l'opéra au féminin (Symétrie, 2017), Autographes musicaux du XIXe siècle: L’album niçois du Comte de Cessole (Acadèmia Nissarda, 2020) et Erard: a Passion for the Piano (Oxford University Press, 2021). Ils contribuent à des chroniques de concerts dans le midi de la France.

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