Les Arts Florissants au festival de Saintes © Sébastien Laval
Les Arts Florissants au festival de Saintes © Sébastien Laval

Les riches heures de l’Abbaye aux Dames

3 minutes de lecture

Pour son édition 2017, qui a eu lieu du 14 au 22 juillet, le Festival de Saintes a rendu hommage à la musique de Johann Sebastian Bach par la grâce de Vox Luminis, Gli Angeli et Benjamin Alard.

 

Y a-t-il plus bel écrin que l’Abbaye aux Dames pour faire résonner la musique ancienne ?
C’est bien cette musique qui est au cœur même du Festival de Saintes au point de se confondre avec cet évènement annuel qui a pris racine en Saintonge dès 1972.

Mais la « Cité Musicale » de Saintes a, depuis longtemps, élargi son domaine non seulement à la musique romantique (Tchaïkovski le samedi 15 juillet par le Jeune Orchestre de l’Abbaye sous la direction de Philippe Herreweghe, et Brahms, sous la même direction, le 22 juillet), à celle du XXème siècle (Bartók le 16 juillet par l’Ensemble des Jeunes voix Aposiopée sous la direction de Natacha Bartosek, puis le 19 juillet Schnittke et Ligeti par le Collegium Vocal Gent ) mais également à la musique savante du monde entier (Airs traditionnels ottomans, aux côtés de Dowland et Byrd, le 21 juillet par l’Ensemble Sultan Veled et l’Achéron).

On sait l’attachement du Festival à Johann Sebastian Bach : la présence de Philippe Herreweghe, grand interprète de Bach s’il en fut et à la tête du Festival de 1981 à 2002, n’y est évidemment pas pour rien.
Cet attachement se traduit par l’inscription au programme, chaque année, d’œuvres du Cantor de Leipzig ; il ne pouvait en être autrement en cette année 2017 au cours de laquelle est commémoré le 500ème anniversaire de la Réforme. Après que Bach ait été fêté le 15 juillet par l’Ensemble Vox Luminis sous la direction éclairée de Lionel Meunier, il devait l’être à nouveau le 17 juillet par la mise au programme de cantates du Cantor.

L’Ensemble Gli Angeli Genève, de son côté, avait choisi d’interpréter les Cantates 146, 108 et 103 lors du premier concert de la journée. Sous la direction énergique de Stephan Macload  — également basse soliste — l’ensemble suisse a mis en valeur la gaîté presque solaire de la Sinfonia qui ouvre la Cantate 146, et les tourments d’une musique marquée du sceau de l’affliction ainsi que cela est justement rappelé par Hélène Décis-Lartigau, auteure des notes de programme du concert.

On retiendra avant tout la flûte lumineuse d’Alexis Kossenko dans la cantate 131 et les prouesses de Francis Jacob à l’orgue. Kossenko, directeur musical de l’ensemble « Les Ambassadeurs », s’était illustré, le samedi 15 juillet, précisément dans un programme Bach avec 3 concertos Brandebourgeois, à la tête de son ensemble : c’est là toute la magie fraternelle du Festival qui conduit les instrumentistes à prêter mainforte à d’autres ensembles.
L’inoubliable air du ténor de la Cantate BWV 103 et le choral qui le suit ont clos en beauté ce concert.

Le marathon musical se poursuit dans l’après-midi au Palais de Justice de Saintes dont la salle des pas-perdus a, pour l’occasion, été transformée en salle de concert.

Nous y attend une très belle découverte : un duo de clarinettes de deux jeunes musiciennes — le duo Küffner Gals composé de Maryse Legault et de Adrianna Van Leeuwen, toutes deux venues du Nouveau Monde et passionnées de musique romantique. Elles nous offrent un répertoire injustement ignoré : Joseph Küffner, (1776-1856) qui donne le nom àleur ensemble, mais aussi François Devienne (1759-1803), Amand Vanderhagen (1753-1822), Konradin Kreutzer (1780-1849) etc.…

Ces deux jeunes clarinettistes complices, canadiennes, l’une francophone, l’autre anglophone, ont interprété avec passion ces pièces méconnues sur instruments « historiques » : des clarinettes anciennes en buis, et non en ébène. Une « Place (faite) aux Jeunes Musiciens » du Festival qui prend tout son sens.

Cette fête musicale se concluait avec l’un des concerts les plus attendus de l’édition 2017 du Festival : celui donné par les Arts Florissants sous la direction de son chef historique William Christie, dans son répertoire de prédilection, celui de Marc-Antoine Charpentier.
On rappellera à cette occasion que la dénomination de l’ensemble est le titre même d’une œuvre de ce compositeur qu’il a tant contribué à faire découvrir.

Les « Chants joyeux du Temps de Pâques » seront le thème du dernier concert de la journée.
Les Arts Florissants ont choisi de programmer ce concert en deux volets : une première partie orientée sur le tragique du temps pascal culminant avec le « Reniement de Saint Pierre » H424, et une seconde débutant avec des œuvres mariales qui sont parmi les plus belles pages du compositeur.

Suivront deux sommets de la musique de Marc-Antoine Charpentier, le « Stabat Mater pour des religieuses » H 15, puis le Salve Regina à 4 voix et 2 violons H 47, le tout se concluant par l’apothéose, un rien emphatique, du « Chant joyeux de Pâques », interprétés avec ferveur par le chœur des Arts Florissants.
« Alleluia, O filii et filiae » H 339 résonne encore dans la nuit chaude de Saintes libérant soudainement la parole de « Bill ».
Cet immense musicien, ému, à l’issue du concert, se souvient en effet que c’est à Saintes que tout a commencé, et que c’est en ce même lieu qu’il a donné l’un de ses tous premiers concerts.
Il était encore temps de prendre un dernier verre sous la « voile » au pied de l’Abbaye …

Les années au Barreau, où il a été notamment actif dans le domaine des droits de l'homme, ne l'ont pas écarté de la musique, sa vraie passion. Cette même passion le conduit depuis une quinzaine d'années à assurer l'animation de deux émissions entièrement dédiées à l’actualité de la vie musicale sur Fréquence Protestante.

Derniers articles de Chronique