Laurent Wagschal © Jean-Baptiste Millot
Laurent Wagschal © Jean-Baptiste Millot

Saint-Saëns ardemment avec Laurent Wagschal et l’ensemble Le Déluge

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Le carnaval des animaux, La danse macabre, Samson et Dalila… Ah ces grands thèmes évocateurs de Camille Saint-Saëns sont un réjouissement impérissable ! Ils résonnent avec la même vitalité, 100 ans après sa disparition. Ayant conquis bien des cœurs, ces thèmes sont devenus si célèbres qu’ils ont passablement éclipsé le reste de l’œuvre du père du Rouet d’Omphale. Une partie de cette œuvre riche et variée reste particulièrement peu connue, c’est sa musique de chambre, que le subtil pianiste Laurent Wagschal met en lumière, en prenant la tête de l’ensemble Le Déluge.

 

Dans un triple album sorti  le 7 mai chez Ad Vitam Records, Laurent Wagschal s’élance dans une chevauchée de duos pour piano et cordes :  maître d’œuvre et pièce centrale de ce portrait intime de Saint-Saëns de plus de 3h30 de musique, il nous amène avec l’ensemble Le Déluge, à la découverte d’autres paysages de la musique de Saint-Saëns. Mais tout l’art du compositeur est là : son inspiration fertile, sa structure et sa rigueur formelle, et surtout son sens mélodique, son élégance et son charme…

Voyageur et travailleur infatigable, Saint-Saëns (1835 – 1921), aura tout connu de la musique de son temps dont il reste une figure majeure. Tour à tour, enfant prodige, élève au Conservatoire Supérieur de Fromental Halévy, organiste de l’église Saint-Merry, puis de l’église de la Madeleine où Liszt l’entendant improviser en reste stupéfait, il collabore à l’édition des œuvres de Gluck, Beethoven, Liszt, Mozart et de clavecinistes français, défend les musiques de Wagner et Schumann, enseignant à l’école Niedermeyer (avec des élèves tels que Fauré et Messager)… Il est ami de Pauline Viardot, Bizet, Rossini, Berlioz il écrit pour des journaux et des revues littéraires, polémique contre Vincent d’Indy, joue devant la Reine d’Angleterre, fonde la Société nationale de Musique ((1871),  et puis voyage encore en Europe, en Amérique du Sud, aux îles Canaries, en Scandinavie, chez un ami au bagne de Poulo Condore, en Russie… il est le premier compositeur de renom à écrire pour le cinéma, donne des conférences à New-York et San Francisco et meurt à Alger , où il résidait souvent, travaillant encore à quelques orchestrations.

 

Délicieux Déluge

Pour cet album, Laurent Wagschal s’est entouré de vigoureux chambristes. Pierre Fouchenneret, dont l’éloquence violonistique s’exprime ici encore de façon magistrale, le violon suave de Sébastien Surel, 1erviolon du Quatuor Ludwig, la solaire Ayako Tanaka, violon super soliste de l’orchestre de Lille qui fait l’école buissonnière pour renouer ici avec ses premières amours : la musique de chambre ; et au violoncelle Pauline Bartissol, fine musicienne, chambriste effervescente, ancienne co-soliste de  l’Orchestre Philharmonique de Radio France… Et il fallait bien des artistes de cette trempe, car la musique de chambre de Saint-Saëns est techniquement très exigeante et subtile dans l’interprétation.

Avec Laurent Wagschal au piano et à son initiative, l’ensemble Le Déluge se forme en 2019. Leur nom a été choisi en référence à l’oratorio homonyme de Saint-Saëns, et plus précisément au solo de violon apparaissant dans le Prélude, épisode “radieux qui dépeint l’âge d’or de l’humanité” et que l’on retrouve d’ailleurs dans l’album, dans une très belle transcription (du compositeur lui-même) pour violon et piano, admirablement interprétée par Pierre Foucheneret et Laurent Wagschal, dans cette version épurée et allégée d’une certaine pesanteur, que peut parfois présenter la version avec orchestre.

Des pièces très courtes, comme cette délicieuse Romance pour violoncelle et piano opus 36 ou ce charmant petit Air de la Pendule pour violon et piano, aux sonates architecturées, le charme de Saint-Saëns scintille sous les doigts des interprètes de cette intégrale.

Le chant et l’équilibre entre les musiciens témoignent d’une grande complicité musicale qui ne tombe jamais dans le maniérisme. Animés d’une même vitalité musicale et du goût de la ligne pure, leurs jeux se répondent avec un lyrisme élancé et une précision technique impeccable.

Un disque hors norme, une intégrale absolument remarquable.

 

 

Le mot de l’artiste, Laurent Wagschal

« La musique de chambre est un genre pour lequel Camille Saint-Saëns a excellé et laissé un catalogue considérable. On a l’image enracinée d’un compositeur conservateur et très académique. On oublie qu’il a d’abord été un pionnier : alors que l’opéra était un passage obligé à son époque pour tout musicien voulant se faire un nom, il s’est en effet intéressé dès son plus jeune âge à la musique de chambre. Jusqu’aux ultimes sonates pour instruments à vent et piano en 1921, il va écrire tout au long de sa longue existence et redonner ses lettres de noblesse à ce genre complètement délaissé en France. Acteur essentiel du renouveau de l’école française au XIXe siècle, Saint-Saëns ouvre la voie à toute une génération de musiciens français, en premier lieu Gabriel Fauré, qui fut son élève et qui va accorder lui aussi dans son œuvre une place très importante à la musique de chambre. »

 

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