Sophie Koch sera Ariane dans Ariane et Barbe-Bleue
Sophie Koch sera Ariane dans Ariane et Barbe-Bleue © Vincent Pontet

Interview avec Sophie Koch : “Avec Ariane et Barbe-Bleue, j’ai l’impression de refaire mes débuts !”

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17 ans après avoir foulé cette scène, Sophie Koch revient au Théâtre du Capitole de Toulouse du 4 au 14 avril dans l’un des rôles les plus exigeants du répertoire : Ariane, dans Ariane et Barbe-Bleue de Paul Dukas. La mezzo-soprano évoque avec nous ses débuts toulousains et les défis posés par cette nouvelle prise de rôle.

 

Vous avez fait vos premiers pas dans les années 2000 au Capitole dans des rôles importants de mezzo-soprano. Pouvez-vous nous parler de cette période ?

En 2002 c’était l’époque où je faisais pas mal de Mozart et c’est par cette porte-là que je suis entrée au Capitole. A partir de 2005, Nicolas Joël m’a offert des rôles auxquels peu de gens avaient pensé. J’ai commencé par Mignon d’Ambroise Thomas, un très beau personnage de mezzo-soprano qui n’est pas très souvent donné. Il m’a également donné le Couronnement de Poppée. Je n’avais fait qu’un seul Monteverdi jusqu’alors et j’ai fait Néron, une très belle production. Il m’a confié le Roi d’Ys, de Lalo, qui était un pas vers des choses un petit peu plus larges. Nicolas Joël a été très important pour moi car il m’a donné ensuite à Paris mon premier Ring de Wagner. Et là Christophe Ghristi marche sur ses pas car il a pensé à moi pour ce rôle très difficile. Sur la partition il y a marqué “mezzo-soprano” mais très de peu de mezzo jouent ce rôle.

 

Cette tessiture ne correspond pas à un rôle de mezzo-soprano ?

Il faut beaucoup de médium, voire du grave, les récitatifs sont beaucoup dans le bas médium, et après, tout ce qui est aigu, il l’écrit sur le passage. C’est vraiment pour un type de voix particulier, on pourrait presque dire un peu Falcon.

 

En quoi cette écriture est-elle exigeante pour votre rôle ? Cela vous demande-t-il un travail vocal particulier ?

En fait, il faut de l’endurance car Ariane est tout le temps présente. Quand on voit le titre de l’opéra, on croit voir Ariane “ET” Barbe-Bleue, hors Barbe-Bleue n’a que 3 lignes à chanter ! Ariane porte tout sur ses épaules avec une écriture où parfois l’orchestre est à nu pour que le récitatif apparaisse clairement, puis des moments où la masse orchestrale est très importante et où tout est écrit dans le passage. C’est cette alternance qui est très difficile à faire. Concernant la préparation, cela fait plus d’un an que je travaille cette partition. Elle est difficile à mémoriser en raison des changements de mesures réguliers et des intervalles particuliers…

 

Vous êtes-vous inspirée d’autres artistes pour l’interprétation de ce rôle ?

J’ai beaucoup écouté une artiste toulousaine, pas très connue mais qui a fait une belle carrière : Berthe Monmart. Elle représente pour moi un certain idéal d’interprétation.

 

Comment avez-vous collaboré avec le metteur en scène Stefano Poda ?

Il a une vision très précise de cet opéra, il savait exactement ce qu’il voulait. Je pense au mot  “chorégraphie” lorsque je veux évoquer ce travail. C’est un travail au mouvement, très décomposé, très analysé. Ce n’est pas une direction d’acteurs classique, il y a quelque chose à la Bob Wilson si l’on veut chercher une comparaison. C’est surtout un concept d’ensemble qui traduit cette ambiance. Musicalement, il s’agit d’une pièce d’atmosphère.

 

Et avec le chef d’orchestre Pascal Rophé y a-t-il eu une approche particulière ?

C’est la première fois que je travaille avec Pascal Rophé. L’écriture de cet opéra est extrêmement précise, un peu comme du Debussy. Tout est écrit. Pour le faire bien, il faut suivre toutes les indications de la partition, et pour ça Pascal Rophé est très exact. Ensuite c’est à lui de gérer l’équilibre entre le plateau et l’orchestre et là son talent émerge. Il faut également faire jouer l’orchestre de manière transparente malgré la masse.

 

Pouvez-vous nous parler du personnage d’Ariane dans cet opéra ?

C’est un magnifique personnage de femme très indépendante, libre, mais sa relation avec Barbe bleue est un peu complexe. Il y a une certaine emprise de Barbe-Bleue sur les femmes et elle ne se laisse pas faire. Elle pourrait le lui faire payer mais ce n’est pas le cas, ce qui est une forme d’empathie. D’ailleurs c’est une histoire d’amour mais ce n’est pas manichéen, un peu comme dans la vie. S’il n’était que violent ce serait simple…

 

On fait aussi le parallèle musicalement entre Barbe bleue et Tristan et Isolde de Wagner. Y voyez-vous des similitudes vous aussi ?

Il y a certains accords qui sont clairement inspirés oui. On retient aussi le Pelléas et Mélisande de Debussy dans l’histoire de la musique. Debussy qui était très sévère envers ses contemporains considérait pourtant Barbe bleue comme un chef d’oeuvre !

 

Quelle importance vous accordez au répertoire français dans votre carrière aujourd’hui ?

Le français est ma langue, donc quand il y a de beaux rôles comme ça – je pense aussi au Roi Arthus de Chausson, au Roi d’Ys de Lalo, à Cléopâtre de Massenet – on sort des sentiers battus et on met un petit coup de projecteur sur des oeuvres sublimes et trop peu données, c’est une chance.

 

Vous aviez déclaré : “Les mezzo-sopranos sont toujours à la recherche de rôles importants car il faut reconnaître qu’il n’y en a pas tellement à leur répertoire, la part belle étant le plus souvent faite aux sopranos”, êtes-vous toujours de cet avis ?

Oui c’est souvent le cas, alors comme j’ai une voix un petit peu à cheval entre les deux ça me permet de faire des incursions dans des rôles qui sont parfois réservés aux sopranos !

 

Que ressentez-vous à l’idée de remonter sur ce plateau toulousain ?

Je suis contente bien sûr parce que c’est un peu ma ville, je n’habite pas très très loin, et je suis attachée à ce théâtre. Mais cela fait tellement longtemps que j’ai l’impression de refaire mes débuts !

 


Ariane et Barbe-Bleue

Opéra en trois actes sur un livret de Maurice Maeterlinck.
Créé à Paris, Opéra-Comique, le 10 mai 1907.

Du 04 avril 2019 au 14 avril au Théâtre du Capitole à Toulouse.

Sa passion pour la musique classique provient de sa rencontre avec l'orgue, un instrument qu'il a étudié en conservatoire et lors de masterclass. Attiré très tôt par le journalisme, il écrit ses premiers textes pour le quotidien régional Sud-Ouest Dordogne. En 2016, il rejoint l’équipe de Classicagenda en tant que rédacteur, et publie des articles d'actualité, des interviews et des chroniques de concerts ou albums. Il sera également invité au micro de la RTS pour parler du renouveau de la critique à l'ère digitale. Parallèlement, il mène une activité dans le domaine de la communication numérique.

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