L'ensemble La camera delle lacrime dans La Controverse de Karakorum à Royaumont
L'ensemble La camera delle lacrime dans La Controverse de Karakorum à Royaumont © Royaumont

La controverse de Karakorum : polyphonie inter‑religieuse

2 minutes de lecture

A l’occasion du Festival 2016 de Royaumont qui pose un autre regard sur la musique et sur la danse, nous avons assisté, à l’église de Luzarches, à La Controverse de Karakorum par l’ensemble La Camera delle Lacrime. Le spectacle s’inscrit dans la thématique de la journée consacrée aux pérégrinations et voix du divin.

 

C’est un nouveau programme pour cette création 2016 qui nous attendait à l’église de Luzarches mais surtout un voyage qui nous a fait passer de l’Auvergne des troubadours à la Chine du Khan. C’est la relation entre Saint-Louis et l’empereur chinois du XIIIe siècle qui sert de fil conducteur, menant à Karakorum, alors capitale chinoise. La controverse religieuse consiste en ce que chaque protagoniste explique sa religion tout en respectant celle des autres. Il peut y avoir (et il existe) bien entendu plusieurs dieux mais tous ont un point commun qui est celui du mode d’expression de la prière : en chantant.

C’est d’ailleurs le ténor Bruno Bonhoure, également à la direction musicale, qui ouvre la route, en entonnant un chant profond, généreux, habité. Ainsi débute un voyage auditif à l’acoustique merveilleuse.

Progressant vers Karakorum, les protagonistes, sous la houlette de différents musiciens, interprètent aussi bien des hymnes bouddhistes que des chants soufis ou catholiques, à l’instar de Sri Devi Ashtottara Shata Namavalih, contenant 108 noms de déesses dits d’une voix quasi-céleste d’une beauté absolue, Layla, chant soufi d’une beauté vocale à s’en damner avec les chœurs dont la polyphonie s’élève et se diffuse dans l’ensemble de la nef à la résonance prodigieuse ou encore le Credo en version chant grégorien.
Mokrane Adlani est bouleversant à chaque note des chants soufis. Quel bonheur de l’entendre, accompagné ou non par son violon oriental.

Le silence religieux observé par l’assemblée semblait traduire un accueil intime de ce voyage, doublé d’un régal auditif fort appréciable. Les récits entrecoupés par les chants se poursuivent : « Nous allions vers l’Orient, n’ayant rien d’autre à voir que le ciel et la terre ». Le violon oriental vient faire vibrer notre sensibilité tandis que la sobriété générale d’interprétation fait de cette représentation un moment précieux et unique.

Les cinq semaines de voyage s’égrainent petit à petit jusqu’à la rencontre avec Mangu Khan à Karakorum. Des chants des steppes aux notes religieuses invitant à la méditation ou au recueillement, les pulsations semblables au rythme cardiaque, donnent la cadence de la marche. Chacun pensant que sa loi est la meilleure, une controverse est décidée, pour que « personne n’ose prononcer des paroles injurieuses […] sous peine de mort ». Nous poursuivons le périple jusqu’au chant final, sincère, entier et profond avec des teintes de reconnaissance dans la voix.

La Controverse de Karakorum bénéficie de partenaires comme la ville de Gonesse et celle de Saint-Leu d’Esserent (60). Cependant, l’entendre et la découvrir dans le cadre magnifique de l’église de Luzarches lui conférait une dimension spirituelle supplémentaire, nous permettant une imprégnation totale. Un enregistrement fut réalisé ce soir-là, peut-être en vue de la création d’un CD. En attendant, partez sur les chemins de ce beau voyage et laissez-vous guider par un spectacle-concert festif et entraînant qui appelle à la tolérance et au respect des différentes croyances.

Professeur des écoles le jour, je cours les salles de Paris et d'ailleurs le soir afin de combiner ma passion pour le spectacle vivant et l'écriture, tout en trouvant très souvent refuge dans la musique classique. Tombée dans le théâtre dès mon plus jeune âge en parallèle de l'apprentissage du piano, c'est tout naturellement que je me suis tournée vers l'opéra. A travers mes chroniques, je souhaite partager mes émotions sans prétention mais toujours avec sensibilité.

Derniers articles de Chronique