Le printemps du violon
Le printemps du violon © Melania Avanzato

Le printemps du violon : en quête du roi des instruments

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Du 21 au 27 mars, à Paris, alors que le printemps prenait doucement ses marques dans la capitale pour réveiller les arbustes endoloris par l’hiver, s’est tenue la première édition du festival « Le printemps du violon » . La bande-annonce a donné le ton : pour ce nouveau rendez-vous musical, il s’agissait « enfin » de donner au roi des instruments un hommage digne de ce nom.

 

Le violon, « enfin à l’honneur » ? Je dirais plutôt « encore à l’honneur ! ». Légèrement agacée par cette manie de porter avec une superbe parfois exagérée les lignes mélodiques et les solos lyriques des pages symphoniques ou de la musique de chambre, j’avais pris l’habitude de cultiver une préférence empathique pour ses compagnons de l’ombre, que ce soit le rassurant et fidèle alto, ou le violoncelle, dont le mouvement humble du musicien, forcé par le gabarit de l’instrument, rajoute au charme et à l’élégance.

Alors, ma légère réticence à accepter la suprématie du violon était-elle pure mauvaise foi, agacement fondé, ou connaissance trop limitée de cet instrument ? Ce festival était l’occasion d’en avoir le coeur net, et de mener l’enquête. Rendez-vous était donc pris au théâtre Adyar, l’un des lieux de prédilection du festival, qui a choisi comme écrin les belles scènes du 7ème arrondissement : le Grand Salon des Invalides pour la soirée d’ouverture, ou encore le musée Maillol.

Le printemps du violon
Le printemps du violon © Melania Avanzato

Dans le foyer du théâtre, des dessins d’enfants, inspirés par le thème du concours « dessine-moi un violon » donnent un premier indice : ici, le violon, on l’imagine, on le peint, bref, on le crée !

L’intrigue se resserre dans une salle intimiste, où le programme, d’un éclectisme salutaire, a été porté par des formations elles aussi parfois surprenantes. On pouvait ainsi retrouver le violoniste Anton Martynov, directeur artistique du festival, au piano. De quoi brouiller les pistes… Il accompagnait pour l’occasion Geza Hosszu Legocky qui, après une première partie très sage (sonates de Mozart et de Brahms) a débridé son violon en le faisant danser sur des airs tziganes servis par une exécution musclée. Autre pièce à conviction, le concerto en ré mineur Op 21 d’Ernest Chausson a été enveloppé par le jeu bienveillant et rassurant de Philippe Graffin et Claire Désert qui ont épaulé de leur expérience le quatuor d’étudiants du CNSM.

Mais c’est ce même duo, bouleversant d’humilité et de justesse sur les pages de la sonate en fa mineur d’Enesco, qui m’a offert la vérité sur un plateau : au détour d’une soirée hommage à Jacques Chancel, le roi des instruments s’est dévoilé à mes oreilles d’une manière totalement inédite : cru, gémissant, fuyant, colérique, désespéré, nerveux… il a dévoilé un spectre d’émotions que je ne lui soupçonnais pas.

Enfin démasqué, je pouvais commencer à l’apprécier à sa juste valeur : en levant le voile sur ses sonorités les plus tortueuses et les plus brutes, j’étais pour la première fois en profonde empathie avec lui. Finalement, le violon ne m’est jamais apparu aussi émouvant et insaisissable qu’une fois descendu de son piédestal et totalement nu.

D’autres concerts ont eu lieu toute la semaine pour raconter toutes les époques, satisfaire tous les styles, faire émaner toutes les couleurs du violon : le baroque avec Vivaldi et Bach, interprétés par l’ensemble Sonatori de la Gioiosa Marca, Kremena Nikolova, Giorgio Fava et Anton Martynov, le romantisme avec Schumann servi par le duo Iddo Bar-Shaï au piano et Martynov au violon ou encore la musique viennoise avec le trio Dorogi… sans oublier les amis et invités du festival qui ont réservé d’autres surprises au cours des différentes soirées.

Que cache cette programmation éclectique ? A observer les organisateurs et leur visible décontraction, ils ont pour seul mobile l’envie pure et simple de se faire plaisir et de partager cette joie avec un public de passionnés, autour d’un concert, d’une conférence, d’un « apéro » musical, ou d’un luthier et d’une archetière, pour rapprocher un peu plus le violon de son public…et faire venir le jeune public au violon. De quoi agrandir et pérenniser le cercle des complices.

Les organisateurs donnent du temps à leur public, et le public prend le temps de recevoir : les entractes prolongés autour d’un verre, le recueil tendre et amical des confidences espiègles d’Ivry Gitlis, parrain du festival, sont autant de moments spontanés qui viennent enrichir les soirées musicales de rencontres inopinées.

Avec cette programmation variée, le festival a le mérite d’entretenir les lettres de noblesse du violon pour les passionnés de la première heure, mais aussi – et surtout – d’accorder une vraie rencontre avec le roi des instruments. Quel meilleur alibi pour exiger d’avoir son propre festival ?

« Prends un bain de musique une à deux fois par semaine pendant quelques années et tu verras que la musique est à l’âme ce que l’eau du bain est au corps. » (Oliver Wendell Holmes). Avec mes chroniques, je souhaite partager les effets bénéfiques de ces bains de jouvence et convaincre de nouvelles oreilles de faire le grand plongeon!

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